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Le "modèle" de la matière sombre (dark matter).
...On a vu plus haut la liste impressionnante de problèmes liés, ne serait-ce qu'à l'astrophysique. Le galaxies tournent trop vite, par exemple. La masse recensée est 3 à 5 fois trop faible pour contrebalancer la force centrifuge. Situation pire encore pour les amas de galaxies. Un problème déjà ancien, puisqu'il avait été signalé initialement par Fritz Zwicky, il y a des dizaines d'années.
...Comment s'en sortir ? Faut-il réviser la loi de Newton ? Certains ont simplement suggéré que les galaxies, les amas de galaxies et même l'univers entier, puissent héberger en leur sein une masse (contribuant au champ de gravité) qui aurait jusqu'ici échappé à l'observation. De quoi pouvait-il s'agir ? Par exemple d'étoiles trop peu émissives. On trouva un nom pour ces objets : les MACHOS (massive compact halo objects, c'est à dire objets compacts et massifs, localisés dans le halo des galaxies : la portion de l'espace galactique située dans et en dehors du "disque"). Mode de détection : occultation de sources situées sur l'arrière plan, essentiellement des étoiles. Méthode : effectuer un suivi d'un très grand nombre d'étoiles et mettre en évidence des baisses de luminosités, dont l'évolution dans le temps différerait les fluctuations correspondant aux étoiles variables.
Résultats : décevants.
...Autre hypothèse : les "particules exotiques", par exemple des neutrinos massifs (dotés d'une faible masse). Mais pas de mise en évidence à ce jour d'une éventuelle masse des neutrinos.
....Autre candidat, cher à l'astrophysicienne Françoise Combes : de l'hydrogène froid, à très basse température, donc pratiquement inobservable.
...Cette matière sombre permettrait alors de rendre compte des forts effets de lentille gravitationnelle, apparemment liés aux galaxies et aux amas de galaxies (arcs gravitationnels). Beaucoup considèrent ces effets comme une "preuve irréfutable" de l'existence de cette matière non détectée.
...Il est alors possible de rendre compte de n'importe quoi et toute autre chose en saupoudrant adroitement l'univers de matière sombre, aux bons endroits. Il s'agit donc d'une théorie parfaitement ad hoc. Certains ne se soucient d'ailleurs même pas de justifier l'origine de ce composant, sa nature, son origine, ni même de décrire sa dynamique, en se contentant de dire qu'il s'agit d'une nouvelle astronomie, "où on cartographie désormais l'invisible". Des équipes sont à l'œuvre, qui ont entrepris de dresser des cartes de la distribution de matière sombre.
...Celle-ci permet de ficeler la structure à grande échelle de l'univers, et ainsi de la "justifier". Ailleurs on produit une distribution de matière sombre qui permet non seulement de justifier la cohésion des galaxies, mais l'allure de leurs courbes de rotation. Tout ceci se publie abondamment et sans problèmes (astrophysical Journal, Astronomy and Astrophysics, etc...). On y distingue la "matière sombre froide" et la "matière sombre chaude".
Certaines spéculations
semblent donc "licites". Situons d'abord son origine.
Nanti de son équation de champ :
La question de la constante cosmologique et de l'âge de l'univers.
...Einstein
avait aussitôt cherché à construire un modèle d'univers
(1917) . Mais comme il ignorait que celui-ci était instationnaire il
avait donc cherché à construire un modèle stationnaire.
Il se heurta alors à de nombreux problèmes et alla rendre visite
au mathématicien français Elie Cartan, lequel lui déclara
:
- On peut modifier votre équation. Je vous propose :
où g est tenseur métrique et L une constante. Comme ça l'équation reste bien tensorielle et votre solution toujours invariante par changement de coordonnées.
- Mais, quelle est la signification physique de cette constante L ?
- Ca, mon cher, c'est votre problème. Moi, je suis mathématicien.....
A partir d'une équation de champ, en se plaçant dans l'hypothèse
où la courbure est faible et les vitesses d'agitation thermiques faibles
devant la vitesse de la lumière c on peut retrouver la dynamique Newtonienne.
La force de Newton se trouve alors dotée d'un terme correctif :
...Ce terme correctif était ainsi proportionnel à la distance. L'appellation "pouvoir répulsif du vide" est couramment utilisée (ou attractif, tout dépend du signe choisi pour cette constante arbitraire L).
...Ce pouvoir répulsif du vide était la clef de voûte qui permettait à l'univers stationnaire d'Einstein de connaître un équilibre (instable, d'ailleurs). Mais, très vite :
- La découverte d'Edwin Hubble fit état d'un red shift z, assimilé à un mouvement général d'expansion cosmique (Effet Doppler). Donc adieu le modèle d'univers stationnaire.
- Le russe Friedmann sortit au même moment les solutions instationnaires de l'équation de champ, sans constante cosmologique.
Mécontent, Einstein se retira sous sa tente en disant :
- Si j'avais su que l'univers était instationnaire, j'aurais trouvé avant Friedmann !
...Cette constante cosmologique sombra alors dans un quasi oubli pendant des décennies. Certains avancèrent des arguments prônant sa nécessaire nullité. Le fait est que, se référant à des action à très grandes distance, elle ne faisait sentir son action que de manière tardive, lorsque la dimension caractéristique R(t) de l'univers avait atteint "une valeur suffisante".
...Les mesures de red shift, de vitesse radiale des galaxies, permettent de calibrer la loi de Hubble, qui découle de la solution de l'équation de champ et qui dit simplement :
La constante de proportionnalité s'appelle la constante de Hubble Ho.
....Une parenthèse pour ceux qui l'ignorent. Un atome, en laboratoire, immobile par rapport à l'appareil de mesure, émet par exemple un rayonnement correspondant à une longueur d'onde l. Par suite de l'effet Doppler le même atome, en mouvement, donnera une longueur d'onde : l' = l+ D l
On pose :
z = |
|
Si D l est positif : la source s'éloigne : red shift.
Si D l est négatif, la source se rapproche : "blue shift".
La constante de Hubble apparaît également dans la loi d'expansion R(t) en fonction du temps :
...On sait qu'il y a en fait trois modèles de Friedmann, qui ne diffèrent que par la description qu'ils donnent du futur lointain du cosmos.
Dans le schéma ci-après, où on est censé être "assez loin" de ce futur lointain de l'univers les trois courbes sont confondues.
...Donc la connaissance de la loi d'expansion cosmique, de la constante de Hubble, permet aussitôt, selon ce modèle (à constante cosmologique nulle) d'en déduire l'âge de l'univers.
...Imaginons que nous prenions une photographie instantanée de l'explosion d'une grenade. Le temps de pose donnerait un certain flou aux objets, ce qui permettrait d'évaluer leur vitesse, donc de calculer, en examinant une simple photo le moment où l'explosion a débuté. L'explosion cosmique est bien sûr différente de l'explosion d'une grenade, de par sa dynamique, puisque la force de gravitation, en freinant l'expansion, ralentit celle-ci progressivement.
...Les objets du cosmos sont animés de mouvements propres , à la manière des molécules d'un gaz, qui sont animées d'un mouvement d'agitation thermique. On parle d'ailleurs de "fluide cosmologique", un "gaz" dont les molécules seraient les galaxies.
...Pour pouvoir évaluer la constante de Hubble il fallait donc asseoir les mesures sur des objets suffisamment lointain, donc animés de vitesses suffisamment fortes pour que celles-ci excèdent la valeur moyenne de la vitesse d'agitation d'une galaxie dans son amas (de l'ordre de 500 à 1000 kilomètres par seconde).
...Le problème restait l'évaluation de la distance. Voir une galaxie sur un cliché est une chose, évaluer sa distance en est une autre. Pour ce faire il faut connaître sa magnitude absolue , la quantité de lumière qu'elle est censée émettre. Pendant longtemps les astronomes se furent pas d'accord sur l'évaluation de cette constante de Hubble (en la matière, un grand contestataire fut l'astronome français de Vaucouleurs, travaillant aux USA).
...Les plus vieilles étoiles de notre propre galaxie appartiennent aux amas stellaire, comme l'amas d'Hercules. Jusqu'ici les astronomes étaient tous d'accord pour situer leur âge maximal autour de 15 milliards d'années (mais certains allaient même jusqu'à 20 ou même 22....). Tout le jeu consistait alors à ajuster l'évaluation de Ho pour ne pas trop s'écarter de cet âge des plus vieilles étoiles.
...En 1993 les astronomes purent, à l'aide
du téléscope spatial Hubble, observer des céphéïdes
dans des galaxies extrêmement distantes (55 et 48 millions d'années-lumière).
La céphéïde est l'étalon de distance par excellence,
puisqu'on est censé connaître la loi liant leur période
de fluctuation et la quantité de lumière qu'elles émettent,
leur magnitude absolue (loi d'Henrietta Leawitt, 1912). Mesurant, à
l'aide du télescope, leur magnitude apparente , on en déduit
leur distance.
...Les mesures effectuées sur des galaxies, en 93-94 divisèrent la distance que l'on avait estimé jusqu'ici de presque un facteur deux. Du coup l'âge de l'univers tombait à 8 ou 9 milliards d'années et celui-ci devenait ... plus jeune que les étoiles qu'il contenait. Et la revue Nature, en 1994, de conclure "il va falloir remettre le modèle sur le métier".
...Depuis, deux faits nouveaux sont intervenus. La loi sur les céphéides, pour être exploitable, doit être calibrée. Si on admet qu'il existe une relation entre la période de ces étoiles variables et leur magnitude absolue, la quantité de lumière qu'elles émettent, encore faut-ils disposer de mesures de distances indépendantes. Celles-ci sont fournies par la méthode du parallaxe, de Bessel. On se sert alors du déplacement saisonnier de la Terre autour du soleil, en prenant deux positions diamétralement opposées. Pour une étoile donnée, relativement proche, vis à vis d'un fond d'étoiles très distantes, à des deux époques de l'année on aura deux position différentes, correspondant à un certain écart angulaire Dq .
...Cette méthode a ses limites. Plus distante
est l'étoile, plus grande est la marge d'erreur. Les mesures en distances
furent récemment recalibrées en utilisant le satellite Hipparcos.
Selon les spécialistes l'analyse des données rapportées
par le satellite aurait conduit à une révision des distances
estimées pour les céphéïdes servant classiquement
à la calibration de la loi, leur distance s'accroissant d'un facteur
1,2 à 1,4. Ainsi les galaxies dans lesquelles le satellite Hubble avait
détecté des céphéïdes n'étaient "pas
si proches que ça" donc l'univers "pas si jeune que cela". De leur
côté, ceux qui évaluaient l'âge des plus vieilles
étoiles des amas stellaires de notre galaxie firent de sérieux
efforts à la baisse et "tout rentre dans l'ordre", estiment certains.
Admettons...
...L'autre solution "classique" consiste, comme l'avait fait Lachièze-Rey, à ressortir, dans l'urgence, la constante cosmologique L de sa naphtaline. Dotée du bon signe (pouvoir répulsif du vide) celle-ci a pour effet de relancer l'expansion :
La loi :
cesse donc d'être valable, ou fournit un âge plus court. En fait,
à travers ce modèle "à géométrie variable"
on peut toujours choisir une valeur de L qui cadre
avec n'importe quelle valeur de l'âge de l'univers, par exemple celui
de ses plus vieilles étoiles. Certains allèrent même jusqu'à
dire que ceci donnait tout simplement une mesure de L
.
...La
querelle qui divise les astronomes au sujet de l'âge de l'univers semble
loin de s'éteindre. Entre les optimistes qui, s'appuyant sur un recalibrage
récent des céphéides dilatent l'ensemble de l'univers
proche (comme par exemple la distance de la galaxie d'Andromède) et
admettent une réévaluation à la baisse de l'âge
des plus vieilles étoiles et les alarmistes, qui pensent que les mesures
de Hubble soulèvent un réel problème, quelle position
adopter ?
Celle d'une attente prudente,
sans doute.
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