Dressés pour tuer
5 octobre 2007
Source : 30 aout 2006, planetnonviolence.org
La Killologie : une science
Que faut-il exactement pour tuer quelqu'un ?
Voici ce qu'un soldat américain du Texas Ouest de 21 ans, Steven Green décrit alors qu'il a tiré et tué un homme qui refusait de s'arrêter à un check point en Irak :
- En fait c'était rien. Ici, tuer les gens c'est comme écraser une fourmi. Je veux dire, vous tuez quelqu'un, et c'est comme « bon, allons chercher une pizza, a –t-il dit au journal militaire Stars and Stripes. Je veux dire, je pensais que tuer quelqu'un serait une expérience qui changerait ma vie. Et puis je l'ai fait, et puis c'était comme « bon, et après.
Ce soldat, a été tout récemment accusé et inculpé de viol d'une fillette irakienne de 14 ans, Abeer Qassim al-Janabi, violée à plusieurs reprises puis tuée, son corps incendié. Son père, sa mère sa sœur ont également été tués. Des actes barbares qui ont eu lieu le 12 mars dans un village proche de Bagdad, Mahmoudiya et qui, malheureusement, ne sont pas les seuls cas rapportés dans cette guerre d'occupation américaine en Irak.
En fait, le cerveau des êtres humains – sauf s'ils tombent dans la catégorie des psychopathes – est formaté à ne pas tuer d'autres êtres humains. Comme les serpents qui mordent à mort d'autres espèces mais se battant entre eux ne font que se terrasser, les humains dans la grande majorité des cas se refusent à recourir à l'homicide. Une démystification du darwinisme nihiliste qui voudrait que les humains naissent et vivent que pour s'entretuer dans le cadre d'une « sélection naturelle», visant à faire triompher la loi du plus fort.
C'est pourquoi ceux, institutions et individus à leur service, qui survivent, vivent, et profitent du « régne de la terreur » s'ingénient à trouver des méthodes pour inverser ces tendances pacifistes. Des camps militaires, en passant par les institutions policières et même certains clubs d'auto défense, tous sont continuellement à la recherche de nouvelles méthodes plus efficaces pour supprimer cette humaine aversion à tuer un autre être humain. Il s'agit en fait de reformater le cerveau de façon à ce qu'il réagisse automatiquement dans certaines situations pour tuer.
Ainsi les soldats américains s'entraînent-ils sur des cibles remplies de ketchup pour mimer la façon dont une balle touchant une tête d'homme la fait éclater et saigner. Des marches sont organisées avec des chants d'entraînement du type : « tuer, tuer, tuer ». Des simulations par le biais de jeux vidéo permettent à ceux qui réussissent leurs « tirs » de gagner des points. Il y a des centaines de techniques selon les experts qui permettent de reconditionner le cerveau humain.
Ces processus de reconditionnement constitue ce que l'on appelle la killologie.
« Une fois que les balles commencent à être tirées, la plupart des combattants arrêtent de penser en utilisant la partie frontale du cerveau ( cette partie du cerveau qui fait de nous des humains) et commencent à penser avec le cerveau moyen ( la partie primitive du cerveau qui est la même que celle d'un animal) selon le lieutenant colonel à la retraite Dave Grossman, un ancien ranger de l'armée Us, professeur de science militaire au collège militaire de West Point, et qui a inventé le mot killologie. « Dans des situations de conflits, cette utilisation du cerveau moyen primitif peut être constatée là où existe une puissante résistance à tuer quelqu'un de son espèce…C'est un mécanisme essentiel de survie qui empêche les espèces de s'auto détruire lors de conflits territoriaux et de rituels d'accouplements ».
Pour Grossman, la seule façon de réduire au silence le cerveau moyen c'est le conditionnement à la Pavlov.
Le besoin de trouver des nouvelles méthodes pour conditionner à tuer s'est fait sentir quand des chercheurs ont remarqué que la majorité de ceux qui avaient été entraînés à tuer en utilisant d'autres mécanismes, refusaient, en douce, de tuer.
Pendant la seconde guerre mondiale, alors que des soldats américains étaient en position de tuer des combattants ennemis, seulement 1 sur 5 tirait, selon une étude controversée et qui a fait sensation, celle de l'historien de l'armée le brigadier général S.LA Marshall. Ce n'était pas par lâcheté, au contraire, car ils s'acquittaient de missions très périlleuses, notamment celles de courir sur des champs de bataille pour sauver leurs compagnons d'armes, se plaçant parfois dans des situations où ils risquaient leur vie en refusant de tirer. Ainsi, au moment de tirer, ils ne pouvaient pas le faire.
Bien que certains chercheurs aient mis en doute sa méthodologie, d'autres ont conclu comme lui que « la peur de tuer plutôt que celle d'être tué était la raison la plus habituelle des échecs individuels sur les champs de bataille ».
Grossman, en remontant plus loin dans l'histoire des Etats-Unis a noté : « l'Encyclopédie des Collectionneurs de la Guerre Civile » fait mention de fusils retrouvés après la bataille de Gettysburg dont 90% étaient encore chargés, et 50% de plusieurs coups. Cela veut dire que, étant donné que dans ce genre de combats, les soldats passaient 95% de leur temps à charger leur fusil et 5% à tirer, tant de fusils chargés prouvent que les soldats passaient leur temps à faire comme s'il les chargeaient, pour faire en sorte de ne pas se faire remarquer de leurs compagnons d'armes.
Des psychologues qui conseillent l'armée et les services de police aux Us ont commencé à faire pression pour que des changements soient faits pour révolutionner l'entraînement pour améliorer le taux de « tuerie ». Leurs méthodes – familières à ceux qui font fonctionner des camps d'entraînement militaires, policiers et d'auto défense agressive – restent mystérieuses pour le monde extérieur mais, elles marchent paraît-il.
Le Pentagon a amélioré les taux de réussite aux tirs. Selon certaines études, lors de la guerre de Corée, 55% des soldats Us tiraient sur les combattants ennemis, dans la guerre du Vietnam, le taux avait atteint les 90%. L'un des changements radical cela a été d'arrêter d'entraîner au tir à distance dans l'œil d'un taureau. Aujourd'hui, les « apprentis tueurs » s'entraînent dans des situations simulées proches de la réalité et selon des méthodes qui seraient instantanément reconnues par Pavlov et B.F Skinner comme celles de modifications comportementales. Les cibles ont des formes humaines qui apparaissent à l'improviste, avec des visages fait de polyuréthane fixés sur des ballons gonflables en forme de corps vêtus d'uniformes. Celui qui s'entraîne apprend à détecter la cible et à tirer presque d'instinct, et il est récompensé par des points, des badges et des jours de repos. Pratiqués de façon répétitive, ces « exercices de tuerie » construisent une mémoire musculaire et habitue le cerveau à tuer.
Mais la plupart des apprentis tueurs ont derrière eux des années d'entraînement moral renforçant le commandement « tu ne tueras pas ». Le supprimer est l'un des défis de la killologie.
Certaines méthodes d'entraînement se concentrent sur la tuerie utilisant des justificatifs rationnels comme : il faut éliminer l'ennemi parce qu'il « menace le style de vie américain » ou « mène un combat contre la liberté » ou simplement « essaie de tuer des personnes innocentes ». Mais l'objectif principal de ces nombreux programmes c'est de rendre la tuerie plus acceptable – même socialement acceptable et désirable.
L'utilisation d'un langage sanguinaire du genre « tu veux lui arracher les yeux, déchiqueter sa machine à faire l'amour, tu veux le détruire… tu veux le renvoyer chez lui, à sa mère, dans un sac plastique », ce type de langage aide à « désensibiliser les soldats à la souffrance de l'ennemi » et en même temps ils sont endoctrinés de la manière la plus explicite qu'il soit, comme ne l'étaient pas les générations précédentes de soldats. Ce qu'on leur demande ce n'est pas seulement « d'être brave et de bien se battre », mais aussi de «tuer des personnes » selon un historien militaire Gwynne Dyer dans son livre « la guerre : une coutume létale ».
Une autre technique c'est de créer une distance physique et émotionnelle entre le tueur et la cible en développant ce sens du « nous » contre « eux ». Alors que la distance physique peut être établie à l'aide de bombes, de lanceurs de roquettes, et même d'équipements de vision nocturne réduisant les êtres humains à ne plus être que des ombres vertes furtives, construire une distance émotionnelle se fait souvent en désignant les cibles selon des catégories différentes à cause de leur race, leur ethnicité, ou leur religion. L'armée fait tout ce qu'il est possible de faire pour nier l'humanité des soldats ennemis combattants, et répugne à rappeler des évènements tels ceux du Noël 1914, où des soldats allemands et britanniques s'étaient retrouvés dans les tranchées lors d'une trêve à leur initiative pour partager bonbons et cigarettes et aussi pour jouer une partie de foot.
Dans son autobiographie un marine tireur d'élite Jack Coughlin écrit d'Irak : « jusqu'à maintenant dans cette guerre, j'ai tiré 6 fois et j'ai tué 6 personnes – exactement le bon taux. Je considérais les soldats irakiens, mal entraînés, comme des hamburgers dans mon télescope, me suppliant de les tuer, et j'étais plus que prêt à exaucer leurs vœux. »
La dynamique sociale joue aussi un rôle prépondérant dans la vie des tueurs, leurs liens de camaraderie avec les autres tueurs par exemple. Certaines études montrent que leur plus grande peur sur un champ de bataille ou sous le feu ce n'est pas de mourir mais de laisser tomber leurs potes – une motivation importante pour tuer.
Et puis finalement, ces institutions que sont l'armée et la police fonctionnent à partir de règles strictes que les autorités supérieures doivent faire appliqués. Tuer est un ordre auquel on doit obéir. Selon une expérience célèbre conduite par le professeur Stanley Milgram d'Harvard 2/3 des gens seraient prêts à infliger des décharges électriques à d'autres allant jusqu'à 450 volts, soit une décharge mortelle, simplement parce qu'une autorité scientifique leurs a donné l'ordre de le faire.
L'impact socio psychologique négatif de ce genre d'entraînement, une fois la personne retournée à la vie civile n'est plus à démontrer. Aux Etats Unis par exemple, des milliers de vétérans, incapables de se réinsérer dans la vie civile, finissent comme SDF. Certains soldats israéliens, une fois leur service terminé, comme échappatoire, partent en Inde pour oublier, dans les fumées des drogues, les crimes qu'ils ont commis dans les territoires occupés palestiniens.
L'humain n'est pas fait pour tuer ses semblables.
Conditionner à le faire, une fois qu'il se retrouve seul face à sa conscience, c'est la fuite en avant vers l'auto destruction.
Source de certaines informations : un article du journaliste Vikki Haddok du San Francisco Chronicle www.sfgate.com du 13 aout 2006 intitulé « The science of creating killers. Human reluctance to take a life can be reversed through training in the method known as killology”
Autres source documentaires :
|
|
Je me rappelle avoir vu un documentaire traitant du suejt, où on était allé interviewer des militaires, qui avaient effectivement tué dans l'exercice de leur étrange métier, parfois un nombre impressionnant d'individus, en toute légalité, dans l'exercice de leur mission, " en faisant leur devoir" . L'un d'eux, un Américain, s'était engagé au Vietnàm, à vingt ans, avec quelques camarades de collège, comme ça, "pour voir du pays et vivre des aventures ". Le premier engagement avait été décisif. Il avait vu mourir immédiatement ses amis, ses compagnons de chambrée, en quelques secondes, sous le feu d'une mitrailleuse invisible. La haine s'était alors emparée de lui. Il avait combattu, tué "pour venger ses camarades". Par la suite il avouait avoir pris plaisir à cette activité et était devenu pilote d'hélicoptère de combat. Il avouait que tirer avec des roquettes sur des positions ennemies devenait, avec le temps " aussi jouissif que d'éjaculer ". Combattre était devenu pour lui une véritable drogue, que oartageait nombre de ses compagnons. Il avouait avoir rempilé, faute de pouvoir se réadapter à un autre mode d'existence, dans une vie civile. La mort était devenue pour lui un métier comme un autre, le seul qu'il puisse exercer. A la retraite il se décrivait comme très déséquilibré, psychologiquement détruit, irrécupérable.
Un officier israélien racontait un épisode plus pathétique. Au cours d'une patrouille, avec quelques autres, ils s'étaient trouvé au contact, à quelques mètres, d'autres soldats qu'ils avaient pris pour des Israéliens. Ils s'étaient même salués, d'un signe de tête, à quelques mètres de distance. Puis, après un bref moment la confusion s'était dissipée et les armes avaient parlé, au bénéfice des hommes de Tsahal, mieux entraînés. L'homme racontait qu'en quelques secondes ces "voisins", ces jeunes hommes, s'étaient transformés en corps criblés de balles à bout portant, agonisants, vômissant du sang, aux yeux révulsés. Lui aussi avait vomi.Puis " la vie avait repris le dessus" et comme la guerre, dans ces régions, n'est pas une partie de plaisir, il avait fini par s'habituer à cet étrange "travail", " à cette façon de faire son devoir".
Dans tous les pays, sous toutes les couleurs, les récits sont les mêmes. Alors il faut chercher en amont, à la source de la violence : la faim, la frustration, la cupidité, l'ambition, la rancoeur, la morgue ou l'humiliation. Par la suite tout n'est plus qu'une affaire de technique de conditionnement. Les petits enfants palestiniens sont déguisés en Kamikazes lors de fêtes enfantines.Les fêtes religieuses juives commémorent des boucheries passées, comme " la fête des sorts" ", vécue comme une fête enfantine, gaie.
L'humanité pourra-t-elle un jour guérir de tout cela ? Rappelez vous le film inspiré par la Machine à remonter le temps, de Wells, où le héros fuit dans le futur pour trouver un mythique âge d'or, auquel il veut croire. Après un premier saut dans le futur il se retrouve en pleins bombardements, sur Londres. Nouveau saut en avant : c'est la guerre nucléaire, la III° guerre mondiale. Il presse alors sur son levier et souhaite partir, partir, vers un futur très lointain.
Il atterrit chez les Elois. Il voit des gens paisaibles, jeunes, beaux. Est-ce le ... Paradis ?
Il déchante vite. Une jeune femme étant tombée à l'eau et s'apprêtant à se noyer, les autres contemplent la scène avec indifférence. Il doit lui-même se jeter à l'eau pour la sauver. Au fil des heures notre héros découvre un autre monde. Une autre ethnie humanoïde vit sous terre. Ce sont les Mollocks, dotés de technologies. Ils ont conditionné les élois à se rendre, hébétés, comme des automates vers des " abris " aux lourdes portes de fer. Puis, quand des hauts-parleurs annoncent " la fin de l'alerte " les Elois peuvent s'en retourner, avec la même indifférence. Mais une partie d'entre entre reste " dans ces abris ". En y pénétrant, le héro du film découvre qu'ils servent de nourriture au Morlock cannibales.
Sommes-nous si différents ? Nous ne consommons pas la chair un humaine. Nos canons s'en chargent pour nous. De temps en temps une économie a besoin de profits. La guerre reste une des activités les plus profitables. Alors on attise les haines, on rend les conflits " inévitables ", on fournit du matériel en masse et la boucherie commence.Finalement, casser du matériel et des troupes ou dévorer des êtres humains, où est la différence. A Carthage le Dieu Moloch, immense statue de fer, engloutissait des victimes sacrifiées dans sa gueule béante. La guerre est notre Moloch à nous. Nous sommes tous responsables. Regardez le témoignage de ce pilote d'hélicoptère "qui jouissait en tirant ses projectiles". Est-ce que nous ne faisons pas de même. Est-ce que nous n'apprenons pas à nos enfants à tuer, dès leur plus jeune âge, aujoud'hui avec des jeux vidéos très réalistes. On voyait plu haut que les recrues étaient entraînées à tirter sur des mannequins humains emplis de Ketchup, dont les blessures saignent, afin que le jour venu il ne soient pas effrayés par la vue du sang.
Je parie qu'il existe déjà des jeux vidéos où "les ennemis vaincus" affichent des blessures béantes, s'ennfondrent dans des mares de sang. Comment voulez vous ne pas créer des tueurs en puissance avec de tels jeux ?
Quel futur pour l'homme, quelle société envisager ? Paradoxalement vous savez très bien que nous disposons de nos jours de moyens techniques qui nous permettraient de résoudre tous nos problèmes, sans exception. Nous avons des moyens anticonceptionnels. Nous savons produire des médicaments. Nous avons des notions de diététiques. Nous avons pris la mesure de ce qu'était ce que nous appelons maintenant environnement. Si vous lisez l'ouvrage du Suisse Ziegler " l'empire de la honte " vous apprendrez que nous produisons de quoi éliminer toute famine et que la faim, la pénurie d'eau, l'absence de soins médicaux sont le résultats d'une politique délibérée.
Notre robotique permet d'envisager un système de production d'un incroyable efficacité et fiabilité. Nous sommes à deux doigts de maîtriser de nouvelles sources d'énergie, illimitées. Mais avant cela, si nous consacrions le dixième des l'argent que nous dépensons pour nous entretuer nous pourrions transformer d'immenses déserts en sources de courant électrique, exploiter les énergies marémotrices, éoliennes.
L'avènement du numérique fait que l'information ne coûte plus rien. Les connaissances scientifiques, la musique, les arts plastiques, peuvent être distribués à foison. Plus encore : ce système permet aux individus eux même d'être créatifs, de communiquer librement, d'un bout de la planète à l'autre.
Et tout cela, nous ne le faisons pas. Pourquoi ? Le bonheur serait-il si ennuyeux que nous cherchions à tout prix à en prendre le chemin ?
Lors d'un interview radio, qui est mentionné sur mon site un journaliste me demande, à la fin :
- Croyez-vous qu'il y ait, dans d'autres systèmes, des êtres intelligents ?
- Oui, et la preuve, c'est qu'ils ne prennent pas contact avec nous
La phrase n'est pas de moi, mais elle est ô combien pertinente.
Nouveautés Guide ( Index ) Page d'Accueil