LE MONDE SELON MONSANTO
Film de Marie-Monique Robin
Commentaire sur cette première partie, par " Boule de Neige "
Quels sont les enjeux des OGM ?
BOULEDENEIGE vous propose à chaud cette première partie du compte-rendu de ce documentaire exceptionnel qui explique la stratégie adoptée par la multinationale américaine pour envahir la planète avec les OGM et tenter de maîtriser la totalité de l’alimentation mondiale.
MONSANTO, leader mondial de la biotechnologie et l’une des plus grandes compagnies chimiques du 20ème siècle : 90% des OGM cultivés sur la planète lui appartiennent.
Monsanto est aussi une des entreprises les plus controversées. C’est aussi : l’aspartame, l’agent orange, les PCBs et l’hormone de croissance bovine.
FAIRE CONFIANCE A MONSANTO ?
Monsanto a caché pendant 30 ans au public et à leurs employés qu’ils savaient que les PCBs (huiles isolantes pour transformateurs) étaient extrêmement toxiques pour l’organisme humain. Lorsqu’ils l’ont révélé aux autorités, celles-ci se sont rangées du côté de Monsanto. C’est un scandale impardonnable.
Avec le temps, ils ont contaminé l’air et l’eau ; maintenant, toute la planète est contaminée par les PCBs. Ils causent beaucoup de maladies et la plus connue est le cancer. Les femmes contaminées donnent naissance à des enfants qui ont un QI réduit. Les PCBs réduisent le fonctionnement de la thyroïde ; ils perturbent le hormones sexuelles.
En 2001, 20 000 personnes de Alliston (Missouri/USA), où se trouve une usine Monsanto de PCBs, ont porté plainte contre la firme. Elle a été condamnée à dépolluer le site, indemniser les victimes, construire un hôpital spécialisé. Mais les dommages et intérêts ne représentent qu’une fraction de leurs profits et aucun dirigeant de Monsanto n’a été poursuivi. Dans le système juridique américain, il est très rare que des cadres d’entreprises soient considérés comme pénalement responsables.
C’est donc rentable de garder le secret.
On peut se demander quels secrets ils gardent actuellement. On ne peut jamais faire confiance à une société comme Monsanto pour dire la vérité sur un produit ou un problème de pollution. Jamais.
Par exemple, Monsanto a mis sur le marché en 1974 un herbicide total (le Roundup) qui a connu un succès fulgurant en affirmant qu’il était biodégradable et bon pour l’environnement. La firme a été condamnée deux fois pour publicité mensongère. La première à New York en 1996 et la deuxième en France en janvier 2007. Les juges ont considéré que les mentions « biodégradable », « respect de l’environnement » et « laisse le sol propre » étaient des messages publicitaires trompeurs… « …d’autant plus que suivant des études effectuées par le groupe Monsanto lui-même, un niveau de dégradation biologique de 2% seulement peut-être obtenu après 28 jours ». Voilà pourquoi la mention « biodégradable » a récemment disparu des bidons.
Mais ce n’est pas tout. De nombreuses études scientifiques montrent que le Roundup est hautement toxique. Un exemple : le Roundup provoque des disfonctionnements de la division cellulaire (étude du Pr Robert Belé / Roscoff). Il travaille pour le CNRS et l’Institut Pierre et Marie Curie. Il a étudié les effets du Roundup sur des ovules fécondés d’oursin.
Voici ce qu’il déclare :
Pr Robert Belé : « La très grosse surprise a été que le Roundup a un effet sur la division des cellules. Ce qui est touché par le Roundup, c’est un mécanisme clé de la division. Pas la division des cellules elles-mêmes mais le mécanisme qui contrôle la division des cellules. Il faut comprendre comment naît un cancer : les cellules au départ ne sont pas cancéreuses et à partir d’un certain moment il y a des modifications en elles et la modification principale est ce qu’on appelle « devenir instable du point de vue génétique ». Et c’est ce premier dérèglement qu’on a observé avec le Roundup. Et c’est pour ça que l’on dit que le Roundup « induit » les premières étapes qui conduisent au cancer. Nous faisons attention à ne pas dire « induisent des cancers », parce que les cancers, on les verra dans trente ou quarante ans. Nous nous sommes tout de suite rendu compte des conséquences que celà pouvait avoir au niveau des utilisateurs puisque les doses étudiées sont très en deçà de celles qu’utilisent les gens. Nous nous sommes dit que nous devions rapidement alerter l’opinion publique. Je me suis dit que le meilleur système c’est de m’adresser à mes tutelles et j’ai été un peu surpris, même très, très, très surpris parce qu’on ma suggéré, même très fortement incité à ne pas communiquer parce qu’il y a la question des OGM derrière ! ».
Cette histoire est incroyable : on a caché la toxicité du Roundup pour protéger les OGM.
ROUNDUP READY
ASA : American Soybean Association (Association Américaine du soja). John Hoffman, son vice-président, est un défenseur inconditionnel de la biotechnologie.
John Hoffman : « Au printemps, au 1er mai, je pulvérise une première fois du Roundup pour tuer les mauvaises herbes. Et puis, six ou sept semaines plus tard, je fais une deuxième application. Et ça suffit pour le reste de l’année. Avant d’avoir la technologie « Roundup Ready », les champs avaient des mauvaises herbes. Nous devions les inspecter et arracher les mauvaises herbes à la main ; c’était beaucoup de travail. Le système Roundup Ready me permet d’économiser du temps et de l’argent ».
Apparemment, la nouvelle merveille de Monsanto a tout pour séduire les agriculteurs. Mais, comment ça marche ? Comment le soja peut-il survivre aux épandages de Roundup ?
Au cœur de la cellule de soja, il y a le noyau qui contient l’ADN, la structure génétique du soja. Pour créer son OGM, Monsanto franchit la barrière des espèces. Ses chercheurs ont sélectionné un gène, provenant d’une bactérie, qui confère la résistance au Roundup. Le gène est fixé sur des particules d’or microscopiques qui sont bombardées avec un canon à gènes dans les cellules de soja. Le gène pénètre l’ADN et fabrique une protéine qui permet à la plante de résister au Roundup. Quand l’herbicide est pulvérisé, il tue toutes les mauvaises herbes, sauf le soja.
A dire vrai, c’est tout de même une sacrée prouesse technologique, mais tout de même, ce soja destiné à être arrosé par un herbicide puissant qui finira dans l’assiette du consommateur.
On imagine donc qu’il a du être soigneusement testé avant sa mise sur le marché.
Qui était ministre de l’agriculture à l’époque ? C’est Dan Glickman qui fut ministre de Bill Clinton de 1995 à 2000.
Dan Glickman : « Au début de mon mandat, il y avait un consensus dans l’agroalimentaire et au sein du gouvernement des USA. Si on ne marche pas tête baissée en faveur de la biotechnologie et des cultures OGM, alors on était considéré comme anti-science, anti-progrès. Franchement, je considère qu’on aurait du faire plus de tests, mais les entreprises agro-industrielles ne voulaient pas parce qu’elles avaient fait d’énormes investissements. En temps que responsables des services qui réglementaient l’agriculture, j’ai subi beaucoup des pression pour, disons, … ne pas être trop exigeant ! La seule fois où j’ai osé en parler pendant le mandat de Clinton, je me suis fait taper sur les doigts, non seulement par l’industrie mais aussi par les gens du gouvernement. En fait, j’ai prononcé un discours où j’ai dit qu’il fallait étudier plus sérieusement la réglementation des OGM. Et, il y avait des gens à l’intérieur du gouvernement Clinton qui étaient dans le domaine du commerce extérieur qui étaient fâchés contre moi. Ils m’ont dit : comment peux tu, toi qui es dans le domaine de l’agriculture, mettre en cause notre système de réglementation ».
Voilà qui est clair !
Aux Etats-Unis, le ministre de l’agriculture ne fait pas le poids face aux intérêts des multinationales. Et comment sont réglementés les OGM aux Etats-Unis ?
Le texte le plus important a été publié par la FDA (Food and Drug Administration), l’agence chargée de la sécurité des denrées alimentaires et des médicaments.
Titre : aliments dérivés des nouvelles variétés de plante.
Date : 29 mai 1992.
Principe 1 : « Les aliments obtenus par modification génétique sont réglementés de la même manière que ceux obtenus par le croisement traditionnel des plantes ».
En clair, la FDA décide de ne pas créer de catégorie spéciale pour les OGM. Pour toute question, adressez vous à James Maryanski qui dirigeait alors le département de la biotechnologie (1985-2006).
James Maryanski : « En gros, le gouvernement a décidé de ne pas créer de nouvelle loi. Il pensait que les lois existantes pouvaient s’appliquer aux nouvelles technologies. Ca veut dire que la Maison Blanche a demandé à l’agence d’écrire un texte où les OGM ne seraient pas soumis à une réglementation spécifique. Mais, ce n’était pas basé sur des données scientifiques ; c’était une décision politique ! … c’était une décision politique qui touchait beaucoup de domaines, pas seulement la nourriture, elle s’appliquait à tous les produits de la biotechnologie ».
Quel aveu incroyable !
James Maryanski affirme que la réglementation des OGM fut déterminée sur une décision politique et pas scientifique. Mais comment cette décision fut-elle argumentée ?
Principe 2 : « Les composants provenant d’une plante génétiquement modifiée sont les mêmes, ou similaires en substance, à ceux que l’on trouve communément dans les aliments ».
Autrement dit, la FDA considère à priori qu’une plante génétiquement modifiée est similaire à une plante conventionnelle. C’est ce qu’on appelle le principe d’équivalence en substance.
Il a été repris partout dans le monde. Il est au cœur du débat qui oppose les anti-OGM aux pro-OGM.
Question posée à James Maryanski :
- Comment la FDA a-t-elle pu décider qu’une plante OGM était similaire à une plante conventionnelle ?
James Maryanski : « Nous savons que les gènes sont introduits dans les plantes par la biotechnologie et produisent des protéines très semblables à celles que nous avons consommé pendant des siècles ».
Ca, c’est la version officielle de la FDA. Elle est battue en brèche par Jeffrey Smith, auteur de plusieurs ouvrages sur les OGM, Michael Hansen, expert scientifique auprès de l’Union des consommateurs, l’essayiste Jeremy Rifkin qui fut le premier à dénoncer le principe d’équivalence en substance.
Jeremy Rifkin : « Si les OGM sont si bien implantés aujourd’hui, c’est à cause d’une tromperie de la FDA. Ils disent que ces aliments ne sont pas différents. Ils emploient l’expression « équivalence en substance » ou « pas considérablement différent », ce qu’ils traduisent par généralement reconnu comme « sûr ». Normalement, pour que quelque chose soit considéré comme « sûr », il faut que cela s’appuie sur de nombreuses études et qu’il ait un large consensus au sein de la communauté scientifique. Avec les OGM, il n’y a eu ni l’un, ni l’autre ».
James Maryanski : « La FDA disait, si on introduit un gène dans une plante, ce gène est de l’ADN. Comme nous consommons de l’ADN depuis longtemps, nous pouvons donc conclure que cette plante est « sûre ».
Michael Hansen : « Notre point de vue c’était que les gènes devaient être considérés comme des additifs alimentaires. Quand on veut ajouter dans un aliment une goutte microscopique d’un nouveau colorant, d’un conservateur ou d’un produit chimique, c’est considéré comme un additif alimentaire. Et donc, on doit faire toutes sortes de tests pour prouver qu’il y a un certitude raisonnable qu’il ne soit pas nuisible. En revanche, lorsqu’on manipule génétiquement une plante, ce qui peut engendrer d’innombrables différences dans l’aliment, on ne demande rien ! ».
Jeremy Rifkin : « A l’époque, à Washington, si vous fréquentiez les mêmes bars que les lobbyistes, vous les entendiez rire de tout ça. Tout le monde savait que c’était n’importe quoi, ce principe de d’équivalence en substance. C’était simplement une façon pour ces sociétés, et surtout Monsanto, de mettre rapidement leurs produits sur le marché avec le moins d’interférences gouvernementales possibles. Et je dois dire qu’ils ont très bien su défendre leurs intérêts ».
James Maryanski : « Je me souviens de réunions où les scientifiques de Monsanto ont rencontré les scientifiques de la FDA. Ils parlaient des modifications que leurs travaux provoquaient tout en demandant à la FDA « comment allez-vous réglementer ces produits ? ».
Jeremy Rifkin : « Je n’ai jamais vu une société qui ait une influence aussi déterminante et à un niveau aussi élevé sur les autorités gouvernementales en charge de la réglementation, comme Monsanto avec ses OGM ».
Il existe une archive exceptionnelle où l’on voit Georges Bush père en visite dans les laboratoires de Monsanto. C’était neuf ans avant la mise sur le marché du soja « Roundup Ready » (15 mai 1987).
Le scientifique de Monsanto : « J’aimerai vous montrer les étapes pour déplacer des gènes d’un organisme à un autre. On va vous faire faire les mêmes manipulations que nous faisons au laboratoire. Nous prenons de l’ADN, nous le coupons en morceaux, nous mélangeons ces différentes parties …
Bush père : « Pour les recoller ? »
Le scientifique de Monsanto : « Les recoller ensemble. Cette éprouvette contient de l’ADN d’une bactérie. Il a le même aspect, qu’il vienne d’une plante ou un animal ».
Bush père : « Je vois … Et cela vous sert à quoi ? »
Le scientifique de Monsanto : « A avoir une plante plus forte, ou une plante qui résiste … dans ce cas, elle résiste à un herbicide.
Bush père : « Je vois… »
Le scientifique de Monsanto : « Nous avons un herbicide fabuleux… »
Au moment où George Bush effectue sa visite au siège de Monsanto, il est le vice président de Ronald Reagan. Le mot d’ordre de l’administration républicaine c’est « la déréglementation ». Il s’agit de favoriser l’industrie en favorisant au maximum les « entraves bureaucratiques ». Comme les tests sanitaires ou environnementaux sur les nouveaux produits. Et c’est justement le problème de Monsanto.
Un dirigeant de Monsanto : « Nous avons fait une demande au ministère de l’agriculture pour qu’on puisse tester de nouvelles plantes pour la première fois dans l’Illinois cette année.
Un type en blouse blanche : « Nous en rêvons tous ! On continue à investir mais rien ne se passe ».
Bush père opine du chef …
Un dirigeant de Monsanto : « Nous ne pouvons pas nous plaindre du ministère de l’agriculture, il suit le processus normal. Il fait très attention à ces nouvelles technologies, mais si, en septembre, on n’a pas reçu l’autorisation, peut-être qu’on changera de ton !!! (rires) ».
Bush père : « Appelez-moi, mon job, c’est la déréglementation… je peux vous aider ».
Fin de la 1ère partie.
Rediffusions :
ARTE : 13.03.2008 à 00:45
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