vendredi 30 septembre 2005
Affaire
Adidas: L'Etat ( donc le contribuable français ) condamné
à payer 135 millions d'euros à Tapie
PARIS (AFP) - L'Etat, par le biais du Consortium
de réalisation (CDR), organisme public chargé
d'assumer la gestion passée du Crédit Lyonnais,
a été condamné vendredi à payer
135 millions d'euros à Bernard Tapie, dans le litige
sur la cession d'Adidas à Robert-Louis Dreyfus en 1993-1994.
La somme de 135 millions "n'est pas ce qui me semble le
plus important. Ce qui est important, c'est l'arrêt qui
dit clairement qu'ils ont soutenu l'insoutenable et qu'ils m'ont
volé", a déclaré l'ex-homme d'affaires
interrogé par téléphone. Depuis 1996, les
actionnaires minoritaires de Bernard Tapie Finance (BTF), c'est-à-dire
essentiellement l'homme d'affaires lui-même, reprochaient
au Crédit Lyonnais de les avoir floués, en les
privant d'une plus-value importante lors de la vente du groupe
d'équipement sportif à M. Dreyfus. Représenté
par les liquidateurs de son groupe, l'ex-homme d'affaires réclamait
990 millions d'euros pour le préjudice qu'il estimait
avoir subi. La 3e chambre de la cour d'appel de Paris lui a
donné raison sur le fond en condamnant le Crédit
Lyonnais et le CDR, tout en lui allouant une somme plus faible
que celle demandée ; 135 millions d'euros de dommages-intérêts.
Si le Crédit Lyonnais est nommément
condamné par l'arrêt, seul le CDR, c'est-à-dire
l'Etat et indirectement les contribuables, aura à assumer
le paiement des 135 millions d'euros.
L'organisme est également condamné à verser
300.000 euros de frais de procédure aux liquidateurs
de BTF. Dans son arrêt, la 3e chambre a clairement souligné
que la banque aurait dû informer son client du fait que
Robert-Louis Dreyfus se portait acquéreur d'Adidas. "L'obligation
d'informer son mandataire, le devoir de loyauté, le souci
de la déontologie de toute banque, en particulier d'affaires,
exigeaient de faire connaître à M. Tapie, client
bénéficiant d'une aide financière considérable
et constante depuis 1977, d'une part qu'un repreneur avait été
contacté pour assurer le management d'Adidas (...) et
d'autre part que le Crédit Lyonnais était prêt
à financer l'opération, donc à continuer
de prêter pour Adidas", relève l'arrêt.
"Le groupe Crédit Lyonnais, en se portant contrepartie
par personnes interposées et en n'informant pas loyalement
son client, n'a pas respecté les obligations de son mandat",
poursuit l'arrêt qui ajoute: "la nullité de
la vente d'Adidas ne pouvant être prononcée, l'entreprise
ayant été revendue par Robert-Louis Dreyfus (...),
il convient de faire droit à la demande de dommages-intérêts".
La cour d'appel note par ailleurs que la vente à Robert-Louis
Dreyfus des 78% d'Adidas possédés par Bernard
Tapie aurait pu intervenir directement, sans l'entremise du
Crédit Lyonnais.
Du fait des erreurs de
la banque, la cour estime à environ 66 millions d'euros
le préjudice subi en 1995 par Bernard Tapie, ce qui,
augmenté du coût de la vie et des variations à
la hausse (+ 370% depuis 1995) du cours de l'action Adidas,
représente aujourd'hui 135 millions d'euros.
Dans l'entourage du CDR, on soulignait que
la décision était en train d'être analysée
"avec soin" et qu'aucune décision n'avait été
prise "pour l'instant" sur un éventuel pourvoi.
Le CDR "a deux mois" pour saisir la Cour de cassation,
a-t-on précisé, rappelant que les 135 millions
obtenus par Bernard Tapie lui serviront à éponger
une partie de sa dette à l'égard du consortium
qui s'élève à plus de 200 millions d'euros.
Lors d'une conférence de presse, vendredi après-midi,
l'un des avocats de M. Tapie, Me Maurice Lantourne avait de
son côté affirmé: "on aurait pu solder
le passif avant mais ces sommes vont venir couvrir ce passif,
j'espère que les portes vont s'ouvrir et que le problème
va être définitivement réglé".
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