Discours du Sénateur Robert Byrd du 12/2/2003

Mis en ligne le 14 mars 2005

Il s'agit de l'intégralité du discours dont la vidéo mise en ligne sur le site.

Voilà en pièce jointe ma traduction du discours de Byrd. Il doit s'agir en fait du texte écrit qu'il avait préparé, car on trouve des différences avec la vidéo. Et quand on va lire les minutes du sénat http://thomas.loc.gov recherche par date le 12 février 2003 puis, pages S2268 et suivantes. Je joins la copie de la page pour info car je ne trouve pas d'URL permanente.

Le texte semble deux fois plus long. Il rajoute plein de digressions, cite énormément de noms d'illustres prédecesseurs, voire des anecdotes personelles.

-- Bruno Viaris

 

 

Le Sénateur Robert Byrd des USA
Discours tenu devant le Sénat le mercredi 12 Février 2003

 

Nous nous tenons passivement muets

 

Envisager la guerre, c'est penser à la plus horrible des expériences humaines. En ce jour de février, alors que cette nation se tient à deux doigts de la bataille, chaque Américain se doit d'envisager les horreurs de la guerre.

Cependant, cette Chambre est, dans sa plus grande majorité, silencieuse – sinistrement et terriblement silencieuse. Il n'y a aucune discussion, aucun débat, aucune tentative de présenter à la nation le pour et le contre de cette guerre. Il n'y a rien.

Nous nous tenons passivement muets au Sénat des États-Unis, paralysés par notre propre incertitude, apparemment assommés par le tumulte des événements. Il n'y a que dans les éditoriaux de nos journaux qu'on trouve une réelle discussion sur la sagesse ou l'imprudence de s'engager dans cette guerre.

Et ce n'est pas un petit incendie qui se profile. Il ne s'agit pas d'une simple tentative de neutraliser un ennemi. Non. La bataille qui vient, si elle a lieu, représente un tournant dans la politique étrangère des États-Unis, et probablement un tournant dans l'histoire récente du monde.

Cette nation est sur le point de s'embarquer dans l'expérimentation d'une doctrine révolutionnaire appliquée d'une manière extraordinaire à une époque bien mal choisie. La doctrine de la préemption – l'idée que les Etats-Unis ou n'importe quelle autre nation puisse légitimement attaquer une nation qui ne constitue pas une menace imminente, mais qui pourrait en devenir une dans le futur — est vraiment une nouvelle perversion de la conception traditionelle de la légitime défense. Elle semble être en violation du droit international et de la charte de l'ONU. Et elle est expérimentée à une époque où le terrorisme est mondialement répandu, faisant craindre à de nombreux pays de se trouver prochainement sur notre liste noire, ou celle d'une autre nation. Des personnages de la haute administration ont récement refusé d'exclure a priori les armes nucléaires des plans d'attaque de l'Irak. Qu'est ce qui pourrait être plus déstabilisant et imprudent que ce genre d'incertitudes, en particulier dans un monde où la mondialisation a lié si intimement les intérêts vitaux économiques et de sécurité de nombreuses nations? D'énormes fissures apparaissent dans nos aliances scellées de longue date, et les intentions américaines font soudain l'objet de spéculations préjudiciables venant de toutes parts. L'Anti-Américanisme qui naît de la défiance, de la désinformation, de la suspicion et de la rhétorique alarmiste des dirigeants des États-Unis est en train de briser la solide aliance contre le terrorisme global qui existait après le 11 septembre.

Ici à la maison, les gens sont mis en garde contre d'imminentes attaques terroristes, mais avec peu d'indications sur quand et où de telles attaques pourraient se produire. Pères et fils sont appelés sous les drapeaux, sans savoir la durée de leur séjour ni les horreurs auxquelles ils pourraient être confrontés. Des communautées se retrouvent avec des forces de police et de pompiers insuffisantes. D'autres services essentiels sont également en pénurie de personnel. Le moral de la nation est sinistre. L'économie vacille. Le prix des carburants monte et risque de bientôt bondir encore plus haut.

Ce gouvernement, maintenant au povoir depuis un peu plus de deux ans, doit être jugée sur son bilan. Je pense que ce bilan est lamentable.

En deux petites années, ce gouvernement a dilapidé l'énorme excédent prévu de quelques 5600 milliards de dollars pour la prochaine décénie, et nous a entraîné dans une situation déficitaire pour aussi loin qu'on puisse prévoir.
Ce gouvernement a adopté des règlements qui ont ralenti la croissance économique. Ce gouvernement a délaissé des problèmes urgents, tels que la crise du système de soins aux personnes agées. Ce gouvernement a tardé à financer correctement la sécurité de la patrie. Ce gouvernement a traîné le pieds pour renforcer la protection de nos frontières longues et poreuses.

En ce qui concerne la politique étrangère, ce gouvernement n'a pas réussi à trouver Ousama Ben Laden. En fait, nous l'avons entendu pas plus tard qu'hier harranguer ses troupes et les appeler à tuer. Ce gouvernement a cassé les aliances traditionelles, risquant de paralyser, pour toujours, des organisations internationales de maintien de l'ordre telles que les Nations Unies et l'OTAN. Ce gouvernement a remis en question la perception traditionelle et internationale des États-Unis comme un gardien de la paix, bien intentionné. Ce gouvernement a changé l'art délicat de la diplomatie en menaces, insultes et diffamations, qui sont le lamentable reflet du peu d'intellignece et de sensibilité de nos dirigeants. Cela aura de lourdes conséquences pour les années à venir.

Traiter des chefs d'états de pygmées, qualifier des pays entiers de maléfiques, dénigrer et mépriser l'opinion de puissants alliés européens, ce type d'insensibilités grossières ne peuvent être bonnes pour notre nation. Nous avons peut-être une puissance militaire massive, mais nous ne pouvons pas mener seuls une guerre globale contre le terrorisme. Nous avons tout autant besoin de la coopération et de l'amitié de nos alliés de longue date, que de celles des nouveaux amis que notre richesse a attiré. Notre impressionante machine militaire nous sera de peu d'utilité si nous subissons sur notre sol une nouvelle attaque dévastatrice qui nuise gravement à notre économie. Nos effectifs militaires s'amenuisent et nous aurons besoin de l'appui renouvellé de ces nations qui peuvent fournir des forces armées, au lieu de se contenter de signer des lettres d'encouragement.

Jusqu'à présent, la guerre en Afghanistan nous a coûté 37 milliards de dollars, et pourtant il y a des signes que le terrorsime serait déjà en train de ré-investir cette région. Nous n'avons pas trouvé Ben Laden, et à moins que nous établissions durablement la paix en Afghanistan, les repaires de terroristes refleuriront dans ce pays lointain et dévasté.

Le Pakistan également est menacé par des forces de déstabilisation. Ce gouvernement n'a pas terminé la première guerre contre le terrorisme que déjà il est impatient de s'embarquer dans un autre conflit, avec des risques bien plus grands qu'en Afghanistan. Avons-nous la mémoire si courte? N'avons-nous pas appris qu'après avoir gagné la guerre, on doit toujours stabiliser la paix?

Et pourtant on n'entend pas grand chose au sujet de l'après-guerre en Irak. En l'absence de plans, les spéculations à l'étranger vont bon train. Nous allons nous emparer des champs de pétrole irakiens, nous allons devenir une puissance occupante qui contrôlera le prix et les approvisionements de pétrole de cette nation pour une durée indéterminée. À qui proposons-nous de remettre les rênes du pouvoir après Saddam Hussein?

Notre guerre va-t-elle enflammer le monde musulman et engendrer des attaques dévastatrices sur Israël? Israël répondra-t-il avec son arsenal nucléaire? Les gouvernements Jordaniens et Saoudiens seront-ils renversés par des radicaux, soutenus par l'Iran, qui est beaucoup plus lié au terrorisme que l'Irak?

Une interruption de l'approvisionnement en pétrole conduira-t-elle à une récession mondiale? Notre langage incensé et belliqueux et notre insensible mépris des intérets et opinions d'autres nations ont-ils relancé la course à l'entrée dans le club nucléaire, et rendu la prolifération encore plus lucrative pour des pays qui ont besoin ressources financières?

En seulement deux petites années, ce gouvernement insouciant et arrogant a initié une politique qui pourrait engendrer des conséquences désastreuses pour longues des années.

On peut comprendre la colère et le choc de n'importe quel Président après les attaques sauvages du 11 septembre. On peut imaginer la frustration de n'avoir qu'une ombre à chasser et un ennemi amorphe et insaisissable, à qui il est presque impossible d'infliger un châtiment.

Mais transformer sa frustration et sa colère en ce genre de débâcle de notre politique étrangère, extrèmement déstabilisante et dangereuse et dont le monde entier est témoin, c'est inexcusable de la part d'un gouvernement ayant l'incroyable puissance et responsabilité de diriger la plus grande superpuissance de la planète. Franchement, de nombreuses déclarations faites par ce gouvernement sont indignes. Il n'y a pas d'autre mot.

Et pourtant cette chambre reste obstinément silencieuse. Nous sommes peut-être à la veille d'infliger la mort et la destruction à la population de l'Irak – une population, ajouterais-je, dont la moitié à moins de 15 ans – et cette Chambre est muette. Peut-être plus que quelques jours avant que nous envoyions des milliers de nos citoyens affronter les horreurs inimaginables des armes chimiques et biologiques – et cette Chambre reste muette. Nous sommes peut-être à la veille d'une vicieuse attaque terroriste en représailles de notre attaque de l'Irak, et tout va comme d'habitude au Sénat des États-Unis.

Nous traversons l'Histoire comme de vrais somnambules(1). Au plus profond de mon coeur je prie pour que cette grande nation et ses citoyens, bons et confiants, n'aient pas à subir le plus rude des réveils.

S'engager dans une guerre, c'est toujours jouer un joker. Et la guerre doit toujours être la dernière solution, pas le premier choix. Je dois réellement mettre en question le discernement de tout Président qui peut dire qu'une attaque militaire, massive, non provoquée, d'une nation composée à plus de 50% par des enfants est « dans la plus haute tradition morale de notre pays ». Cette guerre n'est pas nécessaire à l'heure actuelle. Les pressions semblent donner de bons résultats en Irak. Notre erreur a été de nous acculer nous-mêmes dans un coin. Notre défi est de trouver un moyen de nous sortir élégament de cette boite que nous avons nous même construite. Peut-être y-a-t-il un moyen, si nous nous donnons plus de temps.


(1)« sleepwalking through history » c'est une citation dont je n'ai pas encore trouvé la source. C'est le titre d'un bouquin sur « les années Reagan », mais ça ne m'étonnerait pas que ce soit une citation d'un président célèbre.

Une autre version française, qui fait peut être double emploi ( je suis submergé ) mais l'essentiel est que ce texte soit accessible en français.

Le Sénateur Robert Byrd des USA
Discours devant le Sénat

Nous nous tenons passivement muets

Mercredi 12 Février 2003

Envisager la guerre, c'est penser à la plus horrible des expériences humaines. En ce jour de février, alors que cette nation se tient à deux doigts de la bataille, chaque Américain se doit d'envisager les horreurs de la guerre.

Cependant, cette Chambre est, dans sa plus grande majorité, silencieuse – sinistrement et terriblement silencieuse. Il n'y a aucune discussion, aucun débat, aucune tentative de présenter à la nation le pour et le contre de cette guerre. Il n'y a rien.

Nous nous tenons passivement muets au Sénat des États-Unis, paralysés par notre propre incertitude, apparemment assommés par le tumulte des événements. Il n'y a que dans les éditoriaux de nos journaux qu'on trouve une réelle discussion sur la sagesse ou l'imprudence de s'engager dans cette guerre.

Et ce n'est pas un petit incendie qui se profile. Il ne s'agit pas d'une simple tentative de neutraliser un ennemi. Non. La bataille qui vient, si elle a lieu, représente un tournant dans la politique étrangère des États-Unis, et probablement un tournant dans l'histoire récente du monde.

Cette nation est sur le point de s'embarquer dans l'expérimentation d'une doctrine révolutionnaire appliquée d'une manière extraordinaire à une époque bien mal choisie. La doctrine de la préemption – l'idée que les Etats-Unis ou n'importe quelle autre nation puisse légitimement attaquer une nation qui ne constitue pas une menace imminente, mais qui pourrait en devenir une dans le futur — est vraiment une nouvelle perversion de la conception traditionelle de la légitime défense. Elle semble être en violation du droit international et de la charte de l'ONU. Et elle est expérimentée à une époque où le terrorisme est mondialement répandu, faisant craindre à de nombreux pays de se trouver prochainement sur notre liste noire, ou celle d'une autre nation. Des personnages de la haute administration ont récement refusé d'exclure a priori les armes nucléaires des plans d'attaque de l'Irak. Qu'est ce qui pourrait être plus déstabilisant et imprudent que ce genre d'incertitudes, en particulier dans un monde où la mondialisation a lié si intimement les intérêts vitaux économiques et de sécurité de nombreuses nations? D'énormes fissures apparaissent dans nos aliances scellées de longue date, et les intentions américaines font soudain l'objet de spéculations préjudiciables venant de toutes parts. L'Anti-Américanisme qui naît de la défiance, de la désinformation, de la suspicion et de la rhétorique alarmiste des dirigeants des États-Unis est en train de briser la solide aliance contre le terrorisme global qui existait après le 11 septembre.

Ici à la maison, les gens sont mis en garde contre d'imminentes attaques terroristes, mais avec peu d'indications sur quand et où de telles attaques pourraient se produire. Pères et fils sont appelés sous les drapeaux, sans savoir la durée de leur séjour ni les horreurs auxquelles ils pourraient être confrontés. Des communautées se retrouvent avec des forces de police et de pompiers insuffisantes. D'autres services essentiels sont également en pénurie de personnel. Le moral de la nation est sinistre. L'économie vacille. Le prix des carburants monte et risque de bientôt bondir encore plus haut.

Ce gouvernement, maintenant au povoir depuis un peu plus de deux ans, doit être jugée sur son bilan. Je pense que ce bilan est lamentable.

En deux petites années, ce gouvernement a dilapidé l'énorme excédent prévu de quelques 5600 milliards de dollars pour la prochaine décénie, et nous a entraîné dans une situation déficitaire pour aussi loin qu'on puisse prévoir.
Ce gouvernement a adopté des règlements qui ont ralenti la croissance économique. Ce gouvernement a délaissé des problèmes urgents, tels que la crise du système de soins aux personnes agées. Ce gouvernement a tardé à financer correctement la sécurité de la patrie. Ce gouvernement a traîné le pieds pour renforcer la protection de nos frontières longues et poreuses.

En ce qui concerne la politique étrangère, ce gouvernement n'a pas réussi à trouver Ousama Ben Laden. En fait, nous l'avons entendu pas plus tard qu'hier harranguer ses troupes et les appeler à tuer. Ce gouvernement a cassé les aliances traditionelles, risquant de paralyser, pour toujours, des organisations internationales de maintien de l'ordre telles que les Nations Unies et l'OTAN. Ce gouvernement a remis en question la perception traditionelle et internationale des États-Unis comme un gardien de la paix, bien intentionné. Ce gouvernement a changé l'art délicat de la diplomatie en menaces, insultes et diffamations, qui sont le lamentable reflet du peu d'intellignece et de sensibilité de nos dirigeants. Cela aura de lourdes conséquences pour les années à venir.

Traiter des chefs d'états de pygmées, qualifier des pays entiers de maléfiques, dénigrer et mépriser l'opinion de puissants alliés européens, ce type d'insensibilités grossières ne peuvent être bonnes pour notre nation. Nous avons peut-être une puissance militaire massive, mais nous ne pouvons pas mener seuls une guerre globale contre le terrorisme. Nous avons tout autant besoin de la coopération et de l'amitié de nos alliés de longue date, que de celles des nouveaux amis que notre richesse a attiré. Notre impressionante machine militaire nous sera de peu d'utilité si nous subissons sur notre sol une nouvelle attaque dévastatrice qui nuise gravement à notre économie. Nos effectifs militaires s'amenuisent et nous aurons besoin de l'appui renouvellé de ces nations qui peuvent fournir des forces armées, au lieu de se contenter de signer des lettres d'encouragement.

Jusqu'à présent, la guerre en Afghanistan nous a coûté 37 milliards de dollars, et pourtant il y a des signes que le terrorsime serait déjà en train de ré-investir cette région. Nous n'avons pas trouvé Ben Laden, et à moins que nous établissions durablement la paix en Afghanistan, les repaires de terroristes refleuriront dans ce pays lointain et dévasté.

Le Pakistan également est menacé par des forces de déstabilisation. Ce gouvernement n'a pas terminé la première guerre contre le terrorisme que déjà il est impatient de s'embarquer dans un autre conflit, avec des risques bien plus grands qu'en Afghanistan. Avons-nous la mémoire si courte? N'avons-nous pas appris qu'après avoir gagné la guerre, on doit toujours stabiliser la paix?

Et pourtant on n'entend pas grand chose au sujet de l'après-guerre en Irak. En l'absence de plans, les spéculations à l'étranger vont bon train. Nous allons nous emparer des champs de pétrole irakiens, nous allons devenir une puissance occupante qui contrôlera le prix et les approvisionements de pétrole de cette nation pour une durée indéterminée. À qui proposons-nous de remettre les rênes du pouvoir après Saddam Hussein?

Notre guerre va-t-elle enflammer le monde musulman et engendrer des attaques dévastatrices sur Israël? Israël répondra-t-il avec son arsenal nucléaire? Les gouvernements Jordaniens et Saoudiens seront-ils renversés par des radicaux, soutenus par l'Iran, qui est beaucoup plus lié au terrorisme que l'Irak?

Une interruption de l'approvisionnement en pétrole conduira-t-elle à une récession mondiale? Notre langage incensé et belliqueux et notre insensible mépris des intérets et opinions d'autres nations ont-ils relancé la course à l'entrée dans le club nucléaire, et rendu la prolifération encore plus lucrative pour des pays qui ont besoin ressources financières?

En seulement deux petites années, ce gouvernement insouciant et arrogant a initié une politique qui pourrait engendrer des conséquences désastreuses pour longues des années.

On peut comprendre la colère et le choc de n'importe quel Président après les attaques sauvages du 11 septembre. On peut imaginer la frustration de n'avoir qu'une ombre à chasser et un ennemi amorphe et insaisissable, à qui il est presque impossible d'infliger un châtiment.

Mais transformer sa frustration et sa colère en ce genre de débâcle de notre politique étrangère, extrèmement déstabilisante et dangereuse et dont le monde entier est témoin, c'est inexcusable de la part d'un gouvernement ayant l'incroyable puissance et responsabilité de diriger la plus grande superpuissance de la planète. Franchement, de nombreuses déclarations faites par ce gouvernement sont indignes. Il n'y a pas d'autre mot.

Et pourtant cette chambre reste obstinément silencieuse. Nous sommes peut-être à la veille d'infliger la mort et la destruction à la population de l'Irak – une population, ajouterais-je, dont la moitié à moins de 15 ans – et cette Chambre est muette. Peut-être plus que quelques jours avant que nous envoyions des milliers de nos citoyens affronter les horreurs inimaginables des armes chimiques et biologiques – et cette Chambre reste muette. Nous sommes peut-être à la veille d'une vicieuse attaque terroriste en représailles de notre attaque de l'Irak, et tout va comme d'habitude au Sénat des États-Unis.

Nous traversons l'Histoire comme de vrais somnambules(1). Au plus profond de mon coeur je prie pour que cette grande nation et ses citoyens, bons et confiants, n'aient pas à subir le plus rude des réveils.

S'engager dans une guerre, c'est toujours jouer un joker. Et la guerre doit toujours être la dernière solution, pas le premier choix. Je dois réellement mettre en question le discernement de tout Président qui peut dire qu'une attaque militaire, massive, non provoquée, d'une nation composée à plus de 50% par des enfants est « dans la plus haute tradition morale de notre pays ». Cette guerre n'est pas nécessaire à l'heure actuelle. Les pressions semblent donner de bons résultats en Irak. Notre erreur a été de nous acculer nous-mêmes dans un coin. Notre défi est de trouver un moyen de nous sortir élégament de cette boite que nous avons nous même construite. Peut-être y-a-t-il un moyen, si nous nous donnons plus de temps.


(1)« sleepwalking through history » c'est une citation dont je n'ai pas encore trouvé la source. C'est le titre d'un bouquin sur « les années Reagan », mais ça ne m'étonnerait pas que ce soit une citation d'un président célèbre.

On cherche quelqu'un qui puisse traduire. Contact

February 12, 2003
12 février 2003 Traduction par Bruno Nyssen

To contemplate war is to think about the most horrible of human experiences. On this February day, as this nation stands at the brink of battle, every American on some level must be contemplating the horrors of war.

Envisager la guerre, c’est penser à la plus horrible des expériences humaines. En ce jour de février, alors que ce pays se trouve au bord de la bataille, chaque américain, à quelque niveau, se doit de considérer les horreurs de la guerre.

Yet, this Chamber is, for the most part, silent -- ominously, dreadfully silent. There is no debate, no discussion, no attempt to lay out for the nation the pros and cons of this particular war. There is nothing.

Cependant, cette chambre est en majeure partie silencieuse, sinistrement, terriblement silencieuse. Il n’y a pas de débat, pas de discussion, pas de tentative de présenter à la nation les ‘pour’ et ‘contre’ cette guerre particulière. Il n’y a rien.

We stand passively mute in the United States Senate, paralyzed by our own uncertainty, seemingly stunned by the sheer turmoil of events. Only on the editorial pages of our newspapers is there much substantive (substantif, soutenu ou substantial, substentiel) discussion of the prudence or imprudence of engaging in this particular war.

Nous demeurons passivement muets au sénat des Etats-Unis, paralysés par notre propre incertitude, apparemment pétrifiés par le tourbillon des événements. Il n’y a que dans les éditoriaux de nos journaux qu’on trouve des discussions soutenues à propos de la prudence ou de l’imprudence de s’engager dans cette guerre particulière.

And this is no small conflagration we contemplate. This is no simple attempt to defang a villain. No. This coming battle, if it materializes, represents a turning point in U.S. foreign policy and possibly a turning point in the recent history of the world.

Et ce n’est pas une petite conflagration que nous envisageons. Ce n’est pas une simple tentative de désarmer un bandit. Non. Cette bataille à venir, si elle se concrétise, représente un tournant dans la politique étrangère américaine et éventuellement dans celle de l’histoire mondiale récente.

This nation is about to embark upon the first test of a revolutionary doctrine applied in an extraordinary way at an unfortunate time. The doctrine of preemption* -- the idea that the United States or any other nation can legitimately attack a nation that is not imminently threatening but may be threatening in the future -- is a radical new twist on the traditional idea of self defense. It appears to be in contravention of international law and the UN Charter. And it is being tested at a time of world-wide terrorism, making many countries around the globe wonder if they will soon be on our -- or some other nation's -- hit list. High level Administration figures recently refused to take nuclear weapons off of the table when discussing a possible attack against Iraq. What could be more destabilizing and unwise than this type of uncertainty, particularly in a world where globalism has tied the vital economic and security interests of many nations so closely
together? There are huge cracks emerging in our time-honored alliances, and U.S. intentions are suddenly subject to damaging worldwide speculation. Anti-Americanism based on mistrust, misinformation, suspicion, and alarming rhetoric from U.S. leaders is fracturing the once solid alliance against global terrorism which existed after September 11.

Cette nation est sur le point de s’embarquer dans le premier test d’une doctrine révolutionnaire appliquée d’une façon extraordinaire à un moment regrettable. La doctrine de prévention* (l’idée que les Etats-Unis ou toute autre nation puisse légitimement attaquer une nation qui n’est pas éminement menaçante mais qui pourrait l’être dans le futur) représente une nouvelle tournure radicale dans l’idée tradtionnelle d’auto-défense. Cela se révèle être en violation de la loi internationale et de la charte des Nations Unies. Et c’est en train d’être testé en des temps de terrorisme mondial, ce qui fait se demander à beaucoup de pays autour du globe s’ils seront bientôt sur notre liste rouge (ou celle d’une autre nation). Les hauts responsables du gouvernement ont récemment refusé d’écarter les armes nucléaires lorsqu’ils ont discuté d’une attaque possible contre l’Irak. Qu’est-ce qui pourrait être plus déstabilisant et imprudent que ce type d’incertitude, particulièrement dans un monde où la mondialisation a intimement lié les intérêts économiques et sécuritaires vitaux de tant de pays? Nos alliances de longue date se fissurent, et les intentions américaines sont soudainement l’objet de spéculations préjudiciables dans le monde entier. L’anti-américanisme, basé sur une méfiance, une mauvaise information, et sur la rhétorique alarmante des dirigeants américains, est en train de détériorer la solide alliance contre le terrorisme mondial qui a existé après le 11 septembre.

* le Collins reprend e.a. l’adjectif militaire pre-emptive : ‘désigné pour réduire ou détruire la capacité/force d’attaque ennemie avant que celui-ci puisse l’utiliser’ mais le substantif pre-emption ne reprend que la signification propre au droit international : ‘le droit d’un gouvernement d’intercepter et de saisir pour son propre usage des marchandises ou tout bien de ressortissants d’un autre pays en transit, spécialement en temps de guerre’. Il faut ici traduire preemption par la définition militaire de preemptive, préventif en français, alors que preemptive n’est apparemment pas exactement l’adjectif de preemption.

Here at home, people are warned of imminent terrorist attacks with little guidance as to when or where such attacks might occur. Family members are being called to active military duty, with no idea of the duration of their stay or what horrors they may face. Communities are being left with less than adequate police and fire protection. Other essential services are also short-staffed. The mood of the nation is grim. The economy is stumbling. Fuel prices are rising and may soon spike higher.

Ici dans notre pays, les gens sont prévenus d’attaques terroristes imminentes, sans savoir où et quand de telles attaques pourraient avoir lieu. Des membres de familles sont appelés à un devoir militaire actif, sans aucune idée de la durée de leur service ou des horreurs auxquelles ils devront faire face. Des communautés sont laissées avec des protections de police et d’incendie insuffisantes. D’autres services essentiels sont également en manque de personnel. L’humeur de la nation est sinistre. L’économie piétine. Les prix pétroliers augmentent et pourraient bientôt grimper.

This Administration, now in power for a little over two years, must be judged on its record. I believe that that record is dismal.

Ce gouvernement, maintenant au pouvoir depuis un peu plus de deux ans, doit être jugé sur ses résultats. Je crois que le résultat est sombre.

In that scant two years, this Administration has squandered a large projected surplus of some $5.6 trillion over the next decade and taken us to projected deficits as far as the eye can see. This Administration's domestic policy has put many of our states in dire financial condition, under funding scores of essential programs for our people. This Administration has fostered policies which have slowed economic growth. This Administration has ignored urgent matters such as the crisis in health care for our elderly. This Administration has been slow to provide adequate funding for homeland security. This Administration has been reluctant to better protect our long and porous borders.

Au cours de ces deux petites années, ce gouvernement a gaspillé un excédent estimé de quelque 5.6 trillions de dollars sur la prochaine décennie et nous a conduit à estimer des déficits jusqu’à des horizons in(dé)finis.

In foreign policy, this Administration has failed to find Osama bin Laden. In fact, just yesterday we heard from him again marshaling his forces and urging them to kill. This Administration has split traditional alliances, possibly crippling, for all time, International order-keeping entities like the United Nations and NATO. This Administration has called into question the traditional worldwide perception of the United States as well-intentioned, peacekeeper. This Administration has turned the patient art of diplomacy into threats, labeling, and name calling of the sort that reflects quite poorly on the intelligence and sensitivity of our leaders, and which will have consequences for years to come.

En politique étrangère, ce gouvernement a négligé de trouver Osama Ben Laden. En fait, encore hier, nous l’avons encore entendu rassembler ses forces et les pousser à tuer. Ce gouvernement a divisé les alliances traditionnelles, nuisant éventuellement à jamais aux instances internationales de maintient de l’ordre comme les Nations Unies ou l’Otan. Ce gouvernement a transformé en suspicion l’habituelle perception internationale des Etats-Unis comme bien intentionnés et gardiens de la paix. (ndla: hem! Qui y croyait encore?) Ce gouvernement a transformé l’art patient de la diplomatie en menaces, étiquettes et injures du genre qui offrent un piètre reflet de l’intelligence et la sensibilité de nos dirigeants, et qui auront des conséquences pour les années à venir.

Calling heads of state pygmies, labeling whole countries as evil, denigrating powerful European allies as irrelevant -- these types of crude insensitivities can do our great nation no good. We may have massive military might, but we cannot fight a global war on terrorism alone. We need the cooperation and friendship of our time-honored allies as well as the newer found friends whom we can attract with our wealth. Our awesome military machine will do us little good if we suffer another devastating attack on our homeland which severely damages our economy. Our military manpower is already stretched thin and we will need the augmenting support of those nations who can supply troop strength, not just sign letters cheering us on.

Traiter des chefs d’états des Pygmées, cataloguer des pays entiers comme étant le diable, dénigrer de puissants alliés européens est hors de propos. Ce genre de manque de conscience grossier ne peut pas faire de bien à notre grande nation. Nous pouvons avoir une puissance militaire massive, mais nous ne pouvons pas combattre seuls dans une guerre mondiale contre le terrorisme. Nous avons besoin de la coopération et de l’amitié de nos alliés de longue date, autant que celles de nos récents alliés que nous pouvons attirer avec nos richesses. Notre redoutable machine de guerre ne sera que peu de chose si nous avons à subir une autre attaque dévastatrice sur notre sol, ce qui nuit sévèrement à notre économie. Notre main d’oeuvre militaire est déjà en train de s’amenuiser et nous allons avoir de plus en plus besoin du soutien de ces pays qui peuvent fournir des troupes, pas seulement signer des lettres d’encouragement.

The war in Afghanistan has cost us $37 billion so far, yet there is evidence that terrorism may already be starting to regain its hold in that region. We have not found bin Laden, and unless we secure the peace in Afghanistan, the dark dens of terrorism may yet again flourish in that remote and devastated land.

La guerre en Afghanistan nous a jusqu’ici coûté 37 milliards de dollars; c’est cependant une preuve que le terrorisme peut déjà être en train de regagner son emprise dans cette région. Nous n’avons pas trouvé Ben Laden, et à moins que nous ne maintenions la paix en Afghanistan, l’antre sombre du terrorisme prospérera déjà de nouveau dans ce lointain pays dévasté.

Pakistan as well is at risk of destabilizing forces. This Administration has not finished the first war against terrorism and yet it is eager to embark on another conflict with perils much greater than those in Afghanistan. Is our attention span that short? Have we not learned that after winning the war one must always secure the peace?

Au Pakistan également il y a un risque de déstabilisation des forces. Ce gouvernement n’a pas encore terminé la première guerre contre le terrorisme et est cependant impatient de s’embarquer dans un autre conflit dont les risques sont beaucoup plus grands que ceux en Afghanistan. Est-ce l’étendue de notre attention est si courte? N’avons-nous pas appris qu’après avoir gagné la guerre, on doit toujours maintenir la paix?

And yet we hear little about the aftermath of war in Iraq. In the absence of plans, speculation abroad is rife. Will we seize Iraq's oil fields, becoming an occupying power which controls the price and supply of that nation's oil for the foreseeable future? To whom do we propose to hand the reigns (il s’agit plutôt de reins les rênes du pouvoir) of power after Saddam Hussein?

Et cependant nous prêtons peu d’attention aux répercussions d’une guerre en Irak. En absence de projet, la spéculation à l’étranger est abondante. Allons-nous saisir les champs de pétrole irakiens, devenant une puissance d’occupation qui contrôle le prix et l’approvisionnement en pétrole de cette nation dans l’immédiat? A qui proposons-nous de donner les rênes du pouvoir après Saddam Hussein?

Will our war inflame the Muslim world resulting in devastating attacks on Israel? Will Israel retaliate with its own nuclear arsenal? Will the Jordanian and Saudi Arabian governments be toppled by radicals, bolstered by Iran which has much closer ties to terrorism than Iraq?

Est-ce que notre guerre va enflammer le monde musulman, aboutissant à une attaque dévastatrice sur Israël? Est-ce qu’Israël va répliquer avec son propre arsenal nucléaire? Est-ce que les gouvernements de Jordanie et d’Arabie saoudite vont être renversés par les radicaux, soutenus par l’Iran, qui a plus de liens étroits avec le terrorisme que l’Irak?

Could a disruption of the world's oil supply lead to a world-wide recession? Has our senselessly bellicose language and our callous disregard of the interests and opinions of other nations increased the global race to join the nuclear club and made proliferation an even more lucrative practice for nations which need the income?

Est-ce qu’une perturbation de l’approvisionnement mondial en pétrole peut conduire à une récession mondiale? Est-ce que notre insensé discours belliqueux et notre insensible indifférence des intérêts et opinions des autres nations accélère la course mondiale pour joindre le club nucléaire et faire de la prolifération une pratique encore plus lucrative pour les nations qui ont besoin de ces revenus?

In only the space of two short years this reckless and arrogant Administration has initiated policies which may reap disastrous consequences for years.

En l’espace de seulement deux courtes années, ce gouvernement insouciant et arrogant a lancé des politiques dont les conséquences pourraient être désastreuses pendant des années.

One can understand the anger and shock of any President after the savage attacks of September 11. One can appreciate the frustration of having only a shadow to chase and an amorphous, fleeting enemy on which it is nearly impossible to exact retribution.

On peut comprendre la colère et le bouleversement d’un président après l’attaque sauvage du 11 septembre. On peut apprécier la frustration d’avoir seulement une ombre à chasser et un ennemi éphémère dont il est presque impossible de réclamer un châtiment.

But to turn one's frustration and anger into the kind of extremely (?? Manque-t-il un mot?) currently witnessing is inexcusable from any Administration charged with the awesome power and responsibility of guiding the destiny of the greatest superpower on the planet. Frankly many of the pronouncements made by this Administration are outrageous. There is no other word.

Mais transformer cette frustration et cette colère en cette espèce de situation extrême dont nous sommes témoin est inexcusable de la part d’un gouvernement responsable de la redoutable puissance et de la conduite de la destinée de la plus grande super-puissance de la planète. Franchement, beaucoup de déclarations faites par ce gouvernement sont scandaleuses. Il n’y a pas d’autre mot.

Yet this chamber is hauntingly silent. On what is possibly the eve of horrific infliction of death and destruction on the population of the nation of Iraq -- a population, I might add, of which over 50% is under age 15 -- this chamber is silent. On what is possibly only days before we send thousands of our own citizens to face unimagined horrors of chemical and biological warfare -- this chamber is silent. On the eve of what could possibly be a vicious terrorist attack in retaliation for our attack on Iraq, it is business as usual in the United States Senate.

Cependant cette chambre demeure mortellement silencieuse. A la veille de ce qui est certainement l’horrible infliction de mort et de destruction de la population de la nation irakienne (une population, j’ajouterais, qui à plus de 50% est âgée de moins de 15 ans), la chambre est silencieuse. A quelques jours de l’envoi probable de milliers de notre propres citoyens, qui vont braver des horreurs inimaginables de guerre chimique et biologique, la chambre est silencieuse. A la veille de possibles représailles terroristes suite à notre attaque en Irak, c’est un jour comme un autre au Sénat des Etats-Unis.

We are truly "sleepwalking through history." In my heart of hearts I pray that this great nation and its good and trusting citizens are not in for a rudest of awakenings.

Sincèrement, nous marchons comme des somnambules à travers l’Histoire. Je prie de tout mon cœur pour que cette grande nation et ses bons et loyaux citoyens n’aient pas le plus rude des réveils.

To engage in war is always to pick a wild card. And war must always be a last resort, not a first choice. I truly must question the judgment of any President who can say that a massive unprovoked military attack on a nation which is over 50% children is "in the highest moral traditions of our country". This war is not necessary at this time. Pressure appears to be having a good result in Iraq. Our mistake was to put ourselves in a corner so quickly. Our challenge is to now find a graceful way out of a box of our own making. Perhaps there is still a way if we allow more time.

Envisager la guerre, c’est toujours tirer une carte au hasard. Et la guerre doit toujours être la dernière solution, pas un premier choix. Je dois sincèrement mettre en doute la décision de n’importe quel président qui affirme qu’une attaque militaire sur une nation composée à 50% d’enfants est ‘la plus haute tradition morale de ce pays’. Cette guerre n’est pas nécessaire en ce moment. La pression semble obtenir de bons résultats en Irak. Notre erreur a été de nous mettre dans un coin si rapidement. Notre défi est de maintenant trouver un moyen honorable de nous sortir de la situation dans laquelle nous nous sommes mis. Peut-être y a-t-il encore un moyen si nous nous accordons plus de temps. (ndla: hélas, …)


 

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